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Et si un jour j'entends
des propos discriminatoires ou bien d'ordre privé , comment réagir
?
Cette réponse vous aidera à préparer votre séquence.
Votre appréhension est légitime, car effectivement toute
discussion, toute rencontre est un risque.
D'autant que l'espace de la classe est un espace « public »,
et vous êtes responsable de la gouvernance éducative et pédagogique.
Un seul conseil : faites confiance au cadre.
- Le cadre proposé est conçu comme suffisamment bon pour
qu 'advienne la pensée, et la parole authentique, dans le
calme. Pour preuve le sérieux des échanges.
Le micro a pour fonction de réguler la parole en jouant le rôle
du tiers (qu'est-ce qu'on va penser de ce que je dis ? ). Cette parole
est enregistrée, on en garde la trace, disponible à tout
moment enclasse. Les enfants s'efforceront de se montrer intelligents,
pour les autres, pour le tiers (inconnu), et pour eux.
Mais il est vrai que certains, au début, peuvent être dans
la provocation.
- Vous avez aussi posé comme principe éducatif la confiance
inconditionnelle dans ce groupe de chercheurs, ce qui veut dire confiance
dans les ressources humaines et intellectuelles de chacun. Si vous pensez
que vous serez mal à l'aise, à cause de tel ou tel propos,
forcément un enfant aura le même ressenti, et quelqu'un exprimera
une réction à l'égard du provocateur ("tu n'as
pas le droit de dire ça !" ; "explique toi, car je pense
que tu as fait de la peine à xxx, et peut-être que tu ne
le sais pas ...")
- Et enfin, ce temps de parole a lieu sur du temps scolaire, les règles
de vie de la classe s 'y appliquent donc aussi, en particulier à
propos du respect de l 'autre.
Où que cela se passe, l'injure raciste, sexiste ... est une enfreinte
à la Loi, et l'enseignant a le devoir d'en faire le rappel.
- à tout momen, si le climat n'est plus propice à l'élaboration
de la pensée, la séance peut être suspendue, puisque
l'enseignant est le garant du cadre.
Il essaiera ensuite d'analyser, seul ou avec le groupe de suivi, pour
apporter remède.
Pour parer aux confidences d'ordre privé, lors de la présentation
de chaque séance, on peut dire quelque chose comme cela : "dans
l'Atelier-Philosophie,tu ne dis que ce que tu veux bien dire au groupe."
Pour parer aux propos discriminatoires, on peut prévoir si besoin
un dispositif (affichage, ....), qui rappelle les règles de vie
de la classe (respect ...) au cas où. .Mais l'exprérience
montre que rarissimes sont les transgressions. Quand cela arrive la réaction
du groupe déconcerte le provocateur.
Changer son regard : premier point
Toute intervention est de fait une occasion donnée au groupe de
se postionner, d'apprendre à réagir.
Y compris les propos dérangeants, tant par leur forme (manifestations
émotionnelles, confidences d'ordre privé ...) ou par leur
fond (propos partiaux, prosélythes, discriminatoires ...).
Les réactions se manifestent sur le mode de la pensée, dans
le dialogue, justement au sein du groupe vécu comme solide,étayant,
et non sur le mode de l 'affrontement physique interpersonnel. C'est
un progrès !
Rien à voir avec le propos discriminatoire utilisé en cour
de récréation (ou ailleurs), propos clandestin, blessant,
ayant intention de faire une victime, et donc bien sûr répréhensible.
La dimension éducative l 'Atelier-Philosophie réside
dans cette possibilité de transformation des modes de pensée,
grâce aux interactions sociales.
Changer son regard : second point
Les émotions ont tout à fait leur place, dans l'Atelier-Philosophie.
Elles constituent une étape obligée, celle des préalables
à la pensée organisée.
Observez-vous : quel effet produit en vous une question importante ? Des
émotions, des images, des souvenirs surgissent, inévitablement.
Le corps en témoigne (on bafouille, on rougit, on se bloque ).
C 'est pareil pour les enfants.
Pour Wallon , « Penser, c 'est interroger la pensée
du corps ».
L 'Atelier-Philosophie n 'est pas un lieu thérapeutique,
même si des émotions peuvent s 'y exprimer.
C 'est un espace de pensée universel, et on est fait ainsi,
toute parole est travaillée d 'abord dans le corps de chacun.
Toute parole est travaillé dans le groupe, enrecherche de sens,
dans l 'exigence d'une rigueur commune.
Et si c 'est le lieu du particulier (et les émotions sont
de l 'ordre du privé, de l 'intime), c 'est aussi,
et à la fois, une scène de l 'universel, sur laquelle
va se construire la singularité de chacun dans sa globalité,
et où le particulier est aspiré à être dépassé.
Et les émotions, si elles mettent en mouvement (c'est l'étymologie
du mot), dérangent aussi, c'est la vie, on ne peut faire cette
économie qu'au prix du blocage de la pensée.
Se reporter aux étapes de
la pensée de l'enfant.
Comment éviter les jugements de valeur
?
De qui à qui ou à quoi ?
Sur quoi ?
Toute question est intéressante.
Toute réponse authentique est intéressante.
Toute réponse est « provisoirement vraie ».
C 'est-à-dire qu 'on va pouvoir l 'examiner, la
faire évoluer, la transformer parce que le groupe y a accès.
Le jugement de valeur est une des étapes dans la construction de
la pensée.
L'Atelier-Philosophie pose que la confrontation régulière
avec la pensée d'autrui, face à une énigme universelle,
et l'expérience de la découverte d'être à la
source de sa pensée, permet l'élaboration de la pensée
personnelle, et la vivifie.
C'est une synergie, un processus d'évolution permanente.
Le processus est exactement le même chez l'enseignant, qui, au coeur
de cette expériece, verra l'évolution de son regard sur
les élèves (les étiquettes posées, par exemple
: « Cet élève est limité ») ; mais aussi
de ses pensées, tant sur le plan professionnel que personnel.
Pour les élèves, le « Je ne suis pas d 'accord
avec ce que tu dis, parce que ...» déstabilise le jugement,
tout en respectant la personne, et permet de construire au niveau des
idées.
Prendre du recul, mettre de la distance, remettre en cause, cela s 'apprend
dans le long terme, grâce à une rencontre familière
régulière, bienveillante avec la pensée d 'autrui.
Elle se crée s 'il y a réellement circulation de pensées.
Grâce à la vertu de l 'étonnement.
Jugements de valeur sur les idées sont déboutés
naturellement, ou pas ...
L 'étonnement surgit face à une réponse surprenante
: «Pourquoi dis-tu ça ? » ; « C 'est vrai,
ça, je n 'y avais pas pensé ! ». L 'un demande
des précisions, l 'autre la justification de ce qui est avancé.
L 'exercice de l 'argumentation arrive, de fait, par la nécessité
à se faire comprendre, ou à comprendre l 'autre. Les
points de vue s 'influencent, se transforment..
Cette envie de comprendre est le levier qui permet peu à peu de
faire tomber les jugements, et de prendre du recul sur les a priori.
Quelles sont les dérives et les dysfonctionnements
qui peuvent se produire ?
Cette pratique requiert la compréhension sensible et bienveillante
de l'élaboratiobn d'une pensée collective qui se cherche,
solidaire, universllle et particulière, avant d'être singulière.
Elle repose donc sur des valeurs humanistes.
Celles-ci doivent être partagées par l'enseignant.
Si ce n 'est pas le cas, des déviances pédagogiques
dommageables pour les élèves peuvent vider de son sens l'activité.
Pour les enseignants qui vont porter le nom d ' "Atelier-Philosophie
», ou d ' « Atelier-Philosophie-AGSAS » sur leur
emploi du temps, les recommandations qui vont suivre sont à prendre
en considération, le plus sérieusement possible.
- 1 La mise en oeuvre de l 'Atelier-Philosophie, implique pour l'enseignant
une posture particulière, peu ordinaire, mais tout à fait
possible à vivre si la pratique est un vrai choix, un engagement
personnel.
Celle-ci est justifiée par les fondements théoriques, posés
par les fondateurs en 1997 ; ils privilégient l 'émergence
d 'une pensée authentique, critique et solidaire pour chacun,
là où il en est. Le protocole proposé constitue les
invariants de la pratique.
- 2 La marge de manoeuvre de l'enseignant concerne les variables ; c'est
la part d'ajustement des conditions de la pratique à une classe
réelle (effectif, niveau de classe, locaux, périodicité,
matériel disponible ...). C'est le projet de l'enseignant, qui
écrit sa séquence pédagogique, explicite,
Ceci dit, quelles sont les dérives possibles ?
Elles peuvent être dues à une interprétation erronée
des textes, un projet pédagogique radicalement incompatible avec
les fondements au niveau éthique, ou à une difficulté
personnelle de l 'enseignant au niveau du savoir être.
Mise en garde et conseils
Cette pratique n 'est pas un enseignement, il n 'y a ni évaluation
des élèves, ni programme. L 'enseignant doit accepter
l 'idée que cette pratique facilite les apprentissages à
condition qu 'il s 'efface, qu 'il fasse confiance, qu 'il
ne juge pas. Ce ne sont pas les réponses qui comptent mais le cheminement
de la pensée.
-1 La tentation la plus courante est d 'instrumentaliser l 'activité,
c'est-à-dire d'en attendre un bénéfice précis,
pour la classe, pour les élèves, pour soi, ... ; de la considérer
comme une recette magique ; ou encore de confondre par ignorance de la
théorie effets et objectifs.
Le but de l 'activité n 'est pas, de régler des
problèmes de violence dans la classe. Si tel est votre objectif,
d 'autres dispositifs, y compris philosophiques, sont plus adaptés.
- 2 Une autre tentation est de banaliser l 'Atelier-Philosophie.
Ce ne sera jamais un moment de parole comme un autre, puisqu 'il
convoque naturellement une parole authentique, singulière ; puisqu 'il
engage largement et sereinement dans le « philosopher » (au
sens de « cheminer avec la pensée »). Ce n 'est
pas du scolaire habituel, c'est une médiation, même si on
ne connaît pas bien ce mot dans la formation des enseignants.
- 3 La troisième tentation majeure peut se produire même
quand l 'enseignant est de bonne foi, et concerne la mise en oeuvre
dans la classe. En un mot c 'est l 'attitude d 'emprise
sur la parole des enfants, que ce soit dans le fait d 'intervenir,
de juger, d 'attendre des résultats, de récupérer,
d 'exploiter ou d'enrichir ce qui est dit.
Un exemple courant : l'enseignant qui répète systématiquement
ce que disent les élèves, pour amplifier le son. Du coup,
ceux-ci se voient désapprorpriés de leur parole, se désintéressent
des destinataires.
Les élèves ne s 'y tromperont pas. Si l'enseignant
triche avec le protocole, récupère ce qu'il a entendu pour
faire la classe (et sans y être autorisé), il y aura à
nouveau les bonnes et les mauvaises réponses, il y aura à
nouveau les jugements.
L'effet sera le silence chez ceux qui ne se sentiront pas à l 'aise
pour parler librement, dans leur désir de croissance.
Il y a bien d'autres ressources dans la classe ...
Pour conclure, c 'est une pratique difficile pour beaucoup, ou du
moins surprenante..
Mais le praticien débutant peut être aidé s'il le
désire !
- ressources théoriques
- ressources humaines (groupe de discussion, suivi, lien avec des praticiens
formés).
Ainsi, dans le troisième temps, les enseignants apportant leurs
questions et leurs interrogations, par exemple : "pourquoi ai-je
du mal à arrêter au bout des 10 min ? " , "j'ai
commencé sans le magnétophone, je note, mais ça ne
me satisfait pas. Comment faites-vous ?", "j'en ai assez des
collègues qui se moquent et ne comprennet rien !" , "ça
m'a donné l'idée de commencer autrement mes leçons,
je leur demand ed'abord ce qu'ils savent sur le sujet, et alors, je suis
parfois très étonné !" ...
Est-ce nécessaire d 'avoir déjà
instauré d 'autres moments de parole dans la classe ?
Car je suis plutôt directive, et je ne leur laisse pas beaucoup
l 'occasion de parler.
Non.
Il est nécessaire, par contre, d 'expliciter le sens et le
déroulement de l 'Atelier-Philosophie, très soigneusement,
et de parler du dispositif :
- durée, fréquence, nature, dispositif de recueil des questions
des élèves, principe de non intervention du maître,
de non évaluation, de respect des personnes ...
Vous respecterez ce cadre en toutes circonstances, vous en êtes
le garant, vous êtes responsables de son bon fonctionnement..
Vous vous méfierez de vos réflexes pédagogiques,
qui pourraient vous amener à vouloir contrôler le contenu
et ne récupérerez aucune parole entendue ;vous ne jugerez
pas.
La relation de confiance sera ainsi posée.
Elle est indispensable.
Mieux vaut un moment de parole bien mené, et intelligemment mis
en oeuvre que des pratiques vidées de leur sens ("faire"
à tout prix un "quoi de neuf ?" sans comprendre ce que
cela signifie par exemple !)
Cette expérience de philosophie pour enfants est pour vous une
chance de découvrir vos élèves sous un autre jour.
Peut-être découvrirez vous par la suite la nécessité
d 'autres moments de parole.
Réfléchissez à vos motivations profondes, à
la position d 'emprise narcissique de l 'enseignant, au pouvoir
qu 'il a dans la classe, notamment à travers la parole.Exercer
l'autorité n'est pas en abuser...
Laissez-vous porter par les effets de la compréhension d'une pensée
vive et authentique, celle qui est en train de se construire dans votre
classe ...
Que faire pour l 'enfant qui ne parle pas pendant l 'Atelier-Philosophie
? et pour celui qui a tendance à parler en écho ?
Pour celui qui ne parle pas encore, rien.
S oyez patient.
Si l 'enfant ne parle pas, il écoute.
Il se peut qu 'il pense, vous ne pouvez être sûr de rien.
Il est peut-être en train de prendre conscience de sa capacité
à penser là, sous vos yeux. Un jour, il parlera et donnera
sa pensée au groupe.
Dans un premier temps il parlera peut-être "en écho",
répétant avec une petite variation ce qui vient d'être
dit.
. C 'est normal.
Oser penser pour soi demande du temps.
Il a d 'abord besoin de s 'essayer, sans risque.
Il prendra peu à peu de l 'aisance et parlera en son nom.
Ayez confiance.
Cette pratique ne défavorise-t-elle pas
les enfants « scolairement intelligents » qui auraient besoin
d 'enrichir leur pensée rationnelle, et d 'être guidés
pour maîtriser l 'argumentation ?
Ce dispositif stimule et nourrit tous les enfants, là où
ils en sont.
TOUS les enfants.
L 'Atelier-Philosophie les incite à produire leur propre
pensée, non à reproduire, à imiter le maître
pour lui faire plaisir.
Les élèves, dès lors qu 'ils ont commencé
à penser, construisent, étape par étape, et naturellement
leur pensée, chacun à leur rythme.
Ces étapes ne sauraient être raccourcies, éludées.
Chez tous, dans la vie, l 'argumentation naît du désir
de se faire comprendre.
L 'argumentation s 'élabore naturellement par la nécessité
des interactions sociales, par le besoin de clarté.
Donc, dans un premier temps, pas besoin de guidage artificiel, , mené
par un maître qui attend une réponse précise.
Ayant un statut égal, d'interlocuteurs valables, de chercheurs,
les enfants apprennent spontanément les uns des autres, dans ce
"club des penseurs". Par exemple, la trouvaille lexicale, la
tournure nouvelle seront reprises spontanément.
En parallèle à ce phénomène d'apprentissage,
l'"outil à penser" dès lors qu 'il a été
repéré par l 'individu, est enrichi de toutes sortes
d'expériences quand l'occasion et le besoin sont là.
Les "élèves qui réussissent à l 'Ecole"
ont bien compris ce qu 'est le "métier d 'élève
". Ils savent décrypter les attentes du maître. Ce savoir
peut représenter pour eux un handicap : ils auront pour certains
à dépasser ce qui est de l 'ordre d 'une attitude
réflexe: guetter la réaction du maître, attendre une
gratification, apprendre par et pour l'adulte uniquement.
Ils auront à se prendre en charge ; à accepter d'apprendre
des autres ; à donner leur part de pensée sincère
dans le dialogue. Le dialogue aiguise l 'intelligence !
Mais la réussite scolaire, sanctionnée pardes diplômes,
n 'a rien à voir avec l'élaboration d'une pensée
singulière au sein d'un groupe coopérant, bienveillant,
curieux, qui a envie de construire le monde de demain !
Ce qui veut dire qu 'avec leurs capacités d'abstraction, ces
"bons élèves" pourront,là où ils
en sont, et tout commechacun, apprendre à" penser pour de
vrai", c 'est-à-dire pour eux, et contribuer à
l 'effort du groupe.
Comme les autres ils en tireront des bénéfices, car les
interactions sociales sont un levier puissant, même si on peut penser
seul plus loin, dans un premeier temps.
De même pour les élèves en souffrance scolaire : chacun
a à gagner, sur tous les plans.
On peut dire que l 'Atelier-Philosophie favorise tous les élèves,
déjà favorisés ou non, puisque l 'évolution
de chacun est relative à sa mesure personnelle, et vise la construction
d'une pensée singulière.
L 'Atelier-Philosophie donne envie d 'être intelligent,
de grandir, d 'être pris au sérieux, de parler en son
nom.
La construction identitaire restera, de toute façon, un mystère
hors de la portée de l 'enseignant, qui, en choisissant un
tel dispositif, affirme son regard bienveillant et encourageant pour tous.
Que faire si les élèves n 'ont
pas fini de répondre à la question au bout des 10 min ?
On arrête la cassette, car tel est le protocole !La durée
de la séance fait partie des invariants.
Les enfants partiront frustrés chez eux, remplis du désir
de comprendre encore, et se met en rout ele travail souterrain de la pensée,
qui va courrir sur des mois, des années ...
Et l'Atelier-Philosophie a atteint son objectif !
A-t-on jamais fini de répondre à une question ?
D 'une séance à l 'autre, question après
question, rebondissement après rebondissement, c 'est le chemin
du questionnement qui s'affirme, se vivifie ...
Ce ne sont pas tant les réponses qui importent, que la vitalité
de l 'Etre Humain, responsable de Sa vie, du sens qu'il lui donne,
devant les énigmes universelles. Ainsi il pourra construire une
pensée raisonnable, poutr lui et les autres.
Je suis frappée par l 'écoute
mutuelle qui existe pendant de tels moments.
Comment l 'expliquez-vous ?
Voici des raisons, peut-être ni les seules, ni les bonnes .. !
1 C'un lieu de parole protégé. La communication est une
communication de personnes à personnes, dans un groupe de pairs,
tous chercheurs autour d'un même travail : l'objectif est clair.
Dans l 'Atelier-Philosophie, les enfants ont un cadre rassurant :
ils peuvent penser et dialoguer tranquillement car ils ont le même
statut.Le cadre fait qu'il ne peut y avoir abus de pouvoir:
Les échanges où on n 'a pas à rendre des comptes
sont dans une logique de communication « pour de vrai », vivante,
intéressante ; ils stimulent la motivation personnelle, l 'implication
à écouter et à partager.
« je t 'écoute, tu m 'écoutes, nous échangeons,
nous construisons ensemble ».
2 Cette communication nécessaire, fondamentale, est liée
à la nature du moment de parole : sa visée est philosophique,
touche l 'existentiel.
Ce qui est produit est de la parole authentique, profonde, engagée,
respectée, respectable.
Chacun est dans l 'étonnement et la surprise de l 'autre,
de ses pensées.
Chacun veut comprendre le monde. Les choses se disent, on ne sait pas
à l 'avance. Il y a de l'étonnement et du suspens !
C 'est tout le contraire d 'un échange artificiel, comme
c 'est le cas pour les jeux télévisés ou les
exercices scolaires « habituels » lorsque la réponse
est connue d 'avance.
Dans ces cas-là, l 'enjeu de l 'écoute est lié
à la réussite « sociale » normée, au
résultat attendu. L 'injonction d 'écouter casse
l 'envie d 'apprendre, renvoie à la peur d 'apprendre.
Le plaisir de la recherche, de la découverte en commun est absent
; ne reste que la satisfaction à donner la bonne réponse.
C'est tout le contraire d'un échange convenu, où le discours
est connu d'avance.
3 Dans ce cadre, chacun a sa place, humainement.
Dans l 'Atelier-Philosophie, les enfants ont un cadre rassurant :
ils peuvent penser et dialoguer tranquillement, car chacun a sa place,
chacun est respecté, chacun est quelqu 'un de bien.
Il n 'y aura pas d 'altercation, de prise à parti, de
menace.
Toute l 'attention peut se porter sur l 'énigme du jour
et sur ce qui se construit dans le groupe.
Quand on a envie de comprendre l 'autre, on a envie de se mettre
à sa place, même si on ne sait pas quoi en penser d 'abord.
On va dissocier la personne de ce qu 'elle dit : « je t 'aime
bien mais je ne suis pas d 'accord avec toi quand tu dis que &
».
On s 'essaye à la pensée des autres.
Cette écoute attentive engendre ainsi un processus d 'humanisation
: « écouter les autres, ça m 'apprend comment
c 'est la vie ».
4 Le travail interne de l 'écoute
Cette écoute mutuelle attentive est le reflet d 'un travail
complexe de la pensée : comprendre, entendre, (s ') écouter,
se concentrer, mémoriser, différer sa prise de parole, trier
les informations, trier ses idées, choisir.
C 'est ce qui se passe effectivement en chacun.
Elle oblige à une ouverture d 'esprit considérable,
et à un sacrifice narcissiuqe non moins important ....
Un témoignage d 'enfant de cycle 3 après une séance
: « je n 'ai pas parlé, parce que x a dit mon idée,
il l 'a très bien dite, alors je ne voulais pas la répéter,
on n'a que 10 minutes! ».
L 'écoute mutuelle développe une rigueur de pensée,
crée un climat de sérieux et de gravité.
Pour conclure,il semble qu 'aujourd 'hui, les enfants n 'ont
pas tant besoin de parler, que d 'être écoutés
attentivement, avec sérieux.
Ils ont besoin de présences réelles, « écoutantes
», celle de leurs pairs, celle des autres. A ce point de vue ce
groupe de co-chercheurs est cadeau pour tous.
Dans ma classe de grande section, je suis étonnée
que les enfants se tortillent, se balancent ou font toutes sortes de petits
gestes. Ils semblent peu concentrés.
Est-ce normal ?
Oui, ce n 'est pas preuve d'ennui !
C'est tout le contraire, l'attention des enfants est focalisée
sur la question, et le corps en enregistre les effets.
C' est le travail de la pensée qui agit dans le corps.
Regardez sans juger.
Pour Wallon, « penser c 'est interroger la pensée du
corps ».
Quel effet cette question produit-elle sur moi ?
De la gêne ? un malaise ? un assaut de souvenirs plaisants ?
Enfant ou adulte, le corps est labouré par les émotions
qui le submergent.
Les émotions feront place, peu à peu, peut-être à
des images, à des mots, qui en s 'organisant, permettront
l 'élaboration d 'une idée ... avec du temps,
beaucoup de temps avant que ne soit structurée la pensée
rationnelle !
Laissez faire.
Ces manifestations physiques incontrôlées sont la trace d'une
pensée qui se cherche dans le corps.
C'est pa première étape des préalables à la
pensée philosophique, qui caractérisent notre courant de
philosophie pour enfants.
Consultez l'article de Jacques
Lévine sur les étapes de l'élaboration de la
pensée chez l'enfant.
J 'ai mis des albums « Ainsi va la vie
» et les « Goûters philo » dans la bibliothèque
de classe.
Est-ce bien d 'exploiter la question de l 'Atelier-Philosophie
avec ces ouvrages ?
Les documents de la bibliothèque sont en libre service.
Tout ouvrage, étiqueté philosophique ou non, peut révéler
à l 'enfant son propre questionnement, s 'il a une question
qui le préoccupe.
Mais ces collections ne garantissent pas que les enfants pensent !!! L'accompagnement
d'un adulte, parent ou enseignant est nécessaire.
L'Atelier-Philosophie donne à tous l'habitude à penser
tranquillement, sa vie, la vie, le monde de demain.
Cette habitude est liée au désir de comprendre, de grandir,
à la curiosité, à l'étonnement.
Cette habitude jubilatoire repose sur une expérience intime et
unique : la prise de conscience qu'on est à la source de sa pensée.
Cette exprérience peut survenir n'importe quand, mais il y a des
conditions qui la favorisent.
La curiosité éveillée, l'enfant aura plaisir à
lire sur la question qu l'intéresse, si lire est pour lui un plaisir,
à la bibliothèque et ailleurs.
Mais c 'est leur démarche de recherche qui compte, pas votre
travail.
Il n 'est donc pas question d 'exploiter, de faire le tour de
la question, ni pendant les temps 1 et 2 du protocole, ni après.
Il n 'est pas non plus question de récupérer ce que
vous entendez pour l 'exploiter.
C'est à l'enfant à faire des liens, pas à vous, et
dans la mesure où la philosophie n'est pas un enseignement, vous
n'avez pas à fair ele tour de notions philosophiques. ; c'est juste
une médiation, mais quelle médiation !!!
Si un enfant propose donc de présenter un livre très bien,
qui pour lui pose une question philosophique, c'est formadable.
Laissez-lui se rendre compte qu 'il est intelligent !
La pensée pourra alors circuler.
Nota bene : beaucoup d'albums, d'ouvrages de littérature jeunesse,
beaucoup de contes, de poésies, sont porteurs de questionnements
d'ordre philosphique ...Ils ne sont pas pour autant à décortiquer
!
A terme, quels enfants formons-nous ainsi ?
Ni des philosophes, ni des experts de la pensée ; juste des gens
qui auront envie de "bien vivre", portés par un élan
de civilisation, d'humanité, dans un monde dont ils se sentiront
responsables.
L'enseignant doit avoir en tête, en permanence, la question suivante :
comment aider tous les enfants de sa classe à penser tranquillement
la vie-leur vie, ensemble et "pour de vrai", par eux-mêmes ?
Pourquoi le terme de philosophie, qui est peut-être
abusif ici, et pas le terme de réflexion ? Pensée ou expression,
de quoi s'agit-il vraiment ?
Ne banalisons pas l 'activité !
L 'Atelier-Philosphie revendique une visée philosophique.
Son intention est philosophique, et concerne les interrogations sur le
« bien vivre ».
Le dispositif prend en compte les questions mêmes des enfants,
le moment de découverte de du « cogito », valorise
le dialogue entre co-chercheurs, et renforce le sentiment d 'appartenance
à l 'humanité en construction.
La pratique donne accès à une vision globale du monde pour
tous les enfants.
Elle permet à chacun, à son rythme, de dépasser ses
particularités, pour construire sa singularité, grâce
à la rencontre de l 'universel : les énigmes de la
vie.
Evoquons ici le « bien vivre » d 'Aristote qui prône
l 'étonnement et le doute comme vertus de la philosophie.
Evoquons ici les courants de la philosophie humaniste, de la philosophie
de la reconnaissance ...
L'objectif dépasse largement la struturation de l'appareil à
penser. Il englobe l'Etre dans sa totalité.
P ar ailleurs, les recherches de Jacques Lévine sur le processus
de penser des enfants mettent en évidence des étapes jusqu 'ici
inconnues, qui constituent les préalables à la pensée
philosophique.
Ce courant des préalables à la pensée philosophique
est fondé sur l 'expérience d 'être à
la source de sa pensée, et non sur l 'exercice de l 'appareil
à penser, ou l 'entraînement à la réflexion.
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