L'Atelier-Philosophie

de  la  maternelle  au  collège

 

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Une pratique innovante

de la maternelle au collège

extrait de la revue
"Je est un autre"Février 2001


Cette pratique est née en 1997, de la rencontre de Jacques Lévine, psychanalyste et fondateur de 1’Association des Groupes de Soutien Au Soutien (AGSAS), et d’Agnès Pautard, enseignante. Elle s’est enracinée dans le tissu enseignant grâce à Dominique Sénore, alors inspecteur de l’Éducation nationale et formateur en IUFM.

Constituant un comité de pilotage, ils ont proposé à des enseignants d’expérimenter cette pratique, et avec eux, ont institué des réunions régulières dans le cadre d’un travail de recherche, tant théorique que pratique, d’abord en région lyonnaise, puis parisienne.


1.
Les finalités et les fondements théoriques

L'atelier philosophie propose une démarche spécifique qui se démarque d’autres pratiques de philosophie pour enfants (Lipman, Tozzi ...).

Pourquoi la dénomination

“Atelier philosophie” ?

“Atelier” renvoie à sa définition historique : "ensemble des artisans travaillant dans le même lieu" et, depuis la seconde moitié du XXe siècle : "groupe de travail". “Philosophie” renvoie à un "système de réflexion critique sur les problèmes humains de la connaissance et de l'action" ; La philosophie n'est autre chose que l'application de la raison aux différents objets sur lesquels elle peut s'exercer. Des éléments de philosophie doivent donc contenir les principes fondamentaux de toutes les connaissances humaines (D'Alembert).

Il n’est pas question d’apprendre systématiquement à argumenter, à développer des talents d’orateur ou de rhéteur, mais il s’agit de provoquer, chez l’enfant, la découverte qu’il est capable d'émettre des pensées sur les grands problèmes de l'humanité, dans l’immédiat ou à terme.

L’idée de débat est présente dans le projet, mais l’accent est mis en priorité sur une pensée qui se construit en écho, et qui est alimentée autant par le “langage interne” (les pensées intimes de chacun), que par le discours explicite.

La caractéristique de cette pratique originale est le statut particulier donné aux enfants, celui de co-penseurs, d’habitants de la terre engagés dans l’aventure humaine.

Nous définissons l'atelier philosophie comme une expérience de la vie pensante, faite d’une série de découvertes :

-     la découverte du cogito (c'est à dire être à l'origine de sa propre pensée et en prendre conscience),

-     la découverte de l’appartenance à une pensée groupale large et universelle,

-     la découverte des étapes conditionnant la formation rigoureuse des concepts,

-     la découverte du débat d’idées impliquant la prise en compte des ambiguïtés, des incompatibilités, du lien entre le même et le contraire.

Ce sont là des préalables indispensables à l’élaboration de la pensée philosophique, définie comme refus de l’inintelligible, comme défi à l’inintelligible et confiance dans la capacité d’intelligence à rendre intelligible la vie, "la chose" éducative. A ce titre, ces préalables ne sauraient être considérés comme un aspect mineur par rapport à la pensée philosophique présentée en fin de parcours scolaire.

Par la confrontation régulière à des énigmes de la vie, à des questionnements portant sur des valeurs fondamentales, l’enfant, dans le groupe et avec le groupe, accède à un type de réflexion qui n’est plus celui de la pédagogie traditionnelle, mais qui est cependant l’un de ses soubassements insuffisamment utilisés jusqu’ici.

Si on constate des effets, tant dans le domaine des attitudes (statut de sujet responsable, mobilisation, motivation, approche par le vécu de la notion de citoyenneté...), que dans le domaine des apprentissages (langue orale, raisonnement, argumentation...), il ne faut pas renverser les priorités. Cette pratique doit être interprétée comme une étape nécessaire à la construction des individus dans la totalité de leurs dimensions ; elle est un accompagnement indispensable dans le processus évolutif qui mène à la pensée philosophique définie classiquement.

 

2. Le protocole retenu

La présentation de l'atelier philosophie

Le maître explique Comme tous les gens de la terre, de tous les pays, d’hier et de maintenant, adultes, jeunes, enfants, nous allons aujourd’hui réfléchir ensemble autour de la question suivante...

Exemples de questions posées par l'enseignant ou les élèves :

Qu’est-ce qu’une grande personne ? 

Est-ce que tout le monde est pareil ?

Est-ce que les animaux pensent comme nous ?

Pourquoi le monde existe-t-il ?

Pourquoi a-t-on envie de se moquer ?

Qu’est-ce que la honte ? les rêves ? la vie ? la moquerie ?

Pourquoi a-t-on envie de dominer les autres ?

Pourquoi existe-t-il des gens racistes ?

Une seule question d’ordre général est présentée à un groupe d’enfants dans le cadre scolaire. Cette question est formulée de préférence par un enfant, reformulée au besoin par un autre élève ou l'enseignant. Elle peut être proposée par l'enseignant ; c'est généralement le cas quand on démarre l'atelier philosophie.

Une durée et une fréquence : dix minutes de séance hebdomadaire, tout au long de l’année.

Les échanges entre enfants au sein du groupe sont enregistrés ou filmés, le micro peut permettre de réguler la parole…

Le rôle du maître est défini : il présente l'atelier philosophie, énonce la question du jour, s'occupe de l'enregistrement et reste silencieux pendant les dix minutes. Très présent, il est le garant du bon fonctionnement du dispositif.

Le contenu : il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Les cassettes ne sont pas prêtées. S’il y a des transcriptions des séances, elles sont anonymées.

L'après atelier : les dix minutes enregistrées (ou filmées) sont suivies d’une ré-écoute (ou d’un visionnage) de la cassette, et d'un débat court (dix minutes et plus, selon l’âge des élèves). Durant ce débat, l’enseignant tient une place, discrète mais active, pour accompagner les réactions du groupe. Il peut relancer le débat, en demandant par exemple : “qui est resté silencieux ? Pourquoi ? Qui peut redire la question ? Ces deux idées sont-elles de même nature? Qui n’est pas d’accord avec cette idée et pourquoi ? …

Les enseignants qui le souhaitent se rencontrent régulièrement pour échanger sur leurs pratiques avec les membres du comité de pilotage.


3
. Les aspects spécifiques

L'atelier philosophie est issu des rencontres préalables qui ont eu lieu entre des enseignants et les membres de 1’Association des Groupes de Soutien Au Soutien. Elles visaient à tenter de mieux comprendre les motivations des enseignants et des enfants, les modalités du protocole, l’analyse des contenus, le sens de la présence de l’enseignant et du silence qu’il s’impose.

Si la parole privée émerge parfois dans le groupe d’enfants, l’objectif recherché n’est pas de la solliciter.

Il s’agit en effet de permettre à l’enfant de se découvrir membre par la pensée de la communauté humaine. Il ne s’agit ni d’un aspect de la pédagogie institutionnelle, (bien qu’il y ait complémentarité), ni d’un lieu de parole thérapeutique. Ceux qui assistent à l'atelier philosophie sont témoins du sérieux des enfants.

Ces derniers sont eux-mêmes étonnés de se sentir à la source d’une pensée qui est à la fois du défi aux adultes (dans la mesure où ceux-ci sont ressentis comme déniant ce genre de compétences aux enfants), et de l’ordre d’un sentiment de relative égalité avec la capacité à penser des adultes.

Les enseignants qui pratiquent l'atelier
philosophie s’interrogent sur les possibilités
de transfert, à l’ensemble de la pédagogie, de ce type de relation au savoir . Des élèves ont demandé des "ateliers sciences" ou des ateliers mathématiques".

Au surplus, de nombreux constats résultent de l’observation de cette pratique, notamment lorsque les enseignants découvrent que des élèves, qui ont une attitude de faible adhésion à la classe, investissent de façon positive ce travail collectif. Ils forment dès lors un autre regard sur eux.

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