L'Atelier-Philosophie de la maternelle au collège
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“Atelier philosophie” et enfants : quelle rencontre ? |
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Agnès Pautard, Dominique Sénore
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Ce qui frappe d’emblée l’observateur, c’est le climat de sérieux et de concentration qui s’instaure, fait d’attention et de tension, de confiance et de risque: un ton spécifique, quasi solennel, apparaît, les mouvements d’humeur rares. Les enfants participent eux-mêmes à la régulation et à la bonne circulation de la parole. Le besoin de mener à bien la tâche commune est manifeste. Faisant l’expérience du plaisir de penser dans un climat de liberté et de confiance, les enfants s’efforcent de rester dans le sujet, avec un souci de clarté et d’explicitation. Cet état d’esprit étonne, d’autant plus lorsqu’il s’agit de classes repérées initialement comme difficiles. Les
contenus de l’atelier philosophie. L’écoute et le visionnage des cassettes montre que les réponses des enfants d’une mime classe procèdent d’étapes successives du développement cognitif : -
Chez les plus jeunes,
la pensée émotionnelle prédomine: inventaire d’expériences vécues, non
distanciées, ponctuelles. Ils sont dans le ressenti. -
Puis apparaît, vers 6 ans, une pensée factuelle fondée sur l’expérience
de la réalité environnante. -
Ensuite, vient le point de vue plus abstrait du tiers. L’enfant
découvre les apports de l’argumentation et s’interroge sur la validité
de ce qui est en train de se dire. La
parole est, en effet, d’abord, la parole du corps physique et des émotions.
Ce n’est qu’ensuite qu’elle devient parole qui exprime le vécu personnel.
Puis elle se transforme en une parole beaucoup plus abstraite, qui est
celle de toute personne, mais cette fois représentant de l’humain dans
sa dimension universelle. Dans
cette optique d’une parole de l’enfant en développement, toutes les
réponses sont accueillies en tant que moments successifs d’accès à une
pensée en construction et en évolution. Notre observation montre que
la pensée philosophique se construit précocement, par étapes, sous des
aspects que l’on a méconnus jusqu’à présent. Le respect de ce cheminement,
où chaque étape compte pour préparer la suivante, justifie qu’on qualifie
de pensée philosophique l’activité mentale des enfants en “atelier philosophie”. Quel
sens les enfants donnent-ils à l’atelier philosophie ? Témoignages Inès
: Quand
on est plusieurs, c’est plus facile, parce que quand on est tout seul,
tu dis : “Oh ben, j’sais pas si ça vaut bien le coup d’y réfléchir”. Rémi
: Je
pense que si on repense à des questions à la maison, on peut mieux savoir. Kevin
: La
philo, c’est bien, parce
que on peut apprendre la vie, notre vie, et puis savoir comment elle
se passe. Mathilde
: En fait, la philo. faut poser
des questions où on ne peut pas bien Savoir si c’est vrai ou bien c’est
vraiment faux, y a pas vraiment de réponse. Y’en a qui disent eh ben,
il y en a qui pensent c’est plutôt vrai, et il y en a d’autres plutôt
faux, mais on n’est jamais sûr. Paul
: Ca
nous fait poser des questions. Par exemple, on a trouvé ensemble : l’univers
a-t-il une fin ? Pourquoi sommes-nous nés ? Peut-on ressentir la souffrance
des autres ? Marina
: Ca nous fait plaisir de penser
aux questions des humains sur la terre. Aleth
: S’il n’y avait plus “l’atelier
philo“, comme j’ai un micro chez mois, j’inviterais mes copines et on
parlerait. L’atelier
philosophie correspond à un déclic qui engendre tout un cheminement
de pensée : les enfants éprouvent spontanément ce besoin de prolonger
les séances, par le dessin, par des conversations à la récréation et
à la maison, et proposent d’autre thèmes. Ils
réclament, en cycle 3 et collège, plus de temps pour préparer, et veulent
être assurés que l’expérience se poursuivra. On
peut observer de nombreux effets sur les conduites des enfants ; par
exemple, le fait d’avoir parlé des moqueries, des injustices, modifie
le regard, les relations dans la classe. Lors des conflits, les enfants
utilisent les mots sortis en séance ”atelier philosophie” pour gérer
les situations. En fait, les individus changent -ils gagnent plus d’estime
de soi- mais le groupe aussi : il devient pensant en tant que groupe. Chez
certains enfants, il est manifeste que leur vocabulaire et leur expression
deviennent plus rigoureux. A mesure que l’atelier philosophie se déroule, le nombre d’enfants qui prennent la parole est plus important, et ceux qui ne parlent pas disent qu’ils réfléchissent. |
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