L'Atelier-Philosophie

de  la  maternelle  au  collège

 

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“Atelier philosophie” et enfants : quelle rencontre ?


Jacques Lévine,

Agnès Pautard,

Dominique Sénore

 


Rappelons le protocole : le dispositif concerne les enfants, depuis la grande section de maternelle jusqu’à la Seconde ; dix minutes enregistrées autour d’une seule question, et suivies d’une réécoute avec débat.

Ce qui frappe d’emblée l’observateur, c’est le climat de sérieux et de concentration qui s’instaure, fait d’attention et de tension, de confiance et de risque: un ton spécifique, quasi solennel, apparaît, les mouvements d’humeur rares. Les enfants participent eux-mêmes à la régulation et à la bonne circulation de la parole. Le besoin de mener à bien la tâche commune est manifeste. Faisant l’expérience du plaisir de penser dans un climat de liberté et de confiance, les enfants s’efforcent de rester dans le sujet, avec un souci de clarté et d’explicitation. Cet état d’esprit étonne, d’autant plus lorsqu’il s’agit de classes repérées initialement comme difficiles.

Les contenus de l’atelier philosophie.

L’écoute et le visionnage des cassettes montre que les réponses des enfants d’une mime classe procèdent d’étapes successives du développement cognitif :

-         Chez les plus jeunes, la pensée émotionnelle prédomine: inventaire d’expériences vécues, non distanciées, ponctuelles. Ils sont dans le ressenti.

-         Puis apparaît, vers 6 ans, une pensée factuelle fondée sur l’expérience de la réalité environnante.

-         Ensuite, vient le point de vue plus abstrait du tiers. L’enfant découvre les apports de l’argumentation et s’interroge sur la validité de ce qui est en train de se dire.

La parole est, en effet, d’abord, la parole du corps physique et des émotions. Ce n’est qu’ensuite qu’elle devient parole qui exprime le vécu personnel. Puis elle se transforme en une parole beaucoup plus abstraite, qui est celle de toute personne, mais cette fois représentant de l’humain dans sa dimension universelle.

Dans cette optique d’une parole de l’enfant en développement, toutes les réponses sont accueillies en tant que moments successifs d’accès à une pensée en construction et en évolution. Notre observation montre que la pensée philosophique se construit précocement, par étapes, sous des aspects que l’on a méconnus jusqu’à présent. Le respect de ce cheminement, où chaque étape compte pour préparer la suivante, justifie qu’on qualifie de pensée philosophique l’activité mentale des enfants en “atelier philosophie”.

Quel sens les enfants donnent-ils à l’atelier philosophie ?

Témoignages

Inès :      Quand on est plusieurs, c’est plus facile, parce que quand on est tout seul, tu dis : “Oh ben, j’sais pas si ça vaut bien le coup d’y réfléchir”.

Rémi :    Je pense que si on repense à des questions à la maison, on peut mieux savoir.

Kevin :   La philo,  c’est bien, parce que on peut apprendre la vie, notre vie, et puis savoir comment elle se passe.

Mathilde : En fait, la philo. faut poser des questions où on ne peut pas bien Savoir si c’est vrai ou bien c’est vraiment faux, y a pas vraiment de réponse. Y’en a qui disent eh ben, il y en a qui pensent c’est plutôt vrai, et il y en a d’autres plutôt faux, mais on n’est jamais sûr.

Paul :      Ca nous fait poser des questions. Par exemple, on a trouvé ensemble : l’univers a-t-il une fin ? Pourquoi sommes-nous nés ? Peut-on ressentir la souffrance des autres ?

Marina : Ca nous fait plaisir de penser aux questions des humains sur la terre.

Aleth : S’il n’y avait plus “l’atelier philo“, comme j’ai un micro chez mois, j’inviterais mes copines et on parlerait.

L’atelier philosophie correspond à un déclic qui engendre tout un cheminement de pensée : les enfants éprouvent spontanément ce besoin de prolonger les séances, par le dessin, par des conversations à la récréation et à la maison, et proposent d’autre thèmes.

Ils réclament, en cycle 3 et collège, plus de temps pour préparer, et veulent être assurés que l’expérience se poursuivra.

On peut observer de nombreux effets sur les conduites des enfants ; par exemple, le fait d’avoir parlé des moqueries, des injustices, modifie le regard, les relations dans la classe. Lors des conflits, les enfants utilisent les mots sortis en séance ”atelier philosophie” pour gérer les situations. En fait, les individus changent -ils gagnent plus d’estime de soi- mais le groupe aussi : il devient pensant en tant que groupe.

Chez certains enfants, il est manifeste que leur vocabulaire et leur expression deviennent plus rigoureux.

A mesure que l’atelier philosophie se déroule, le nombre d’enfants qui prennent la parole est plus important, et ceux qui ne parlent pas disent qu’ils réfléchissent.

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ATELIER PHILOSOPHIE/AGSAS